🐾 Pourquoi ai-​je choisi d’écrire sur la relation humain-​chien : une histoire d’écoute, de bien-​être et de transformation

L’amorce du lien

Le jour où ma chienne Eshe est entrée dans ma vie, je croyais savoir écou­ter.
Je connais­sais les codes du chien, les bases de la com­mu­ni­ca­tion canine, les gestes justes et les mots doux. Pourtant, mal­gré tout cela, il y avait ce silence. Ce regard pro­fond, par­fois insai­sis­sable, qui sem­blait me dire : “Tu n’as encore rien entendu.” De la race chien loup de Tschécoslovaquie, son édu­ca­tion était à part de tout ce que j’avais pu mettre en pra­tique jusqu’ici, y com­pris dans les classes de jeux et d’éducation pour chiots. Véritablement à part, à la croi­sée du monde sau­vage et domes­tique. Issu d’un croi­se­ment entre le Berger alle­mand et le loup des Carpates, il conserve une sen­si­bi­lité, une intel­li­gence et une indé­pen­dance qui le dis­tinguent pro­fon­dé­ment des races plus « clas­siques ». Ce n’est pas un chien qu’on dresse, c’est un être qu’on appri­voise. Son édu­ca­tion ne peut repo­ser sur la contrainte ou les méthodes tra­di­tion­nelles : elle demande patience, cohé­rence, obser­va­tion plus que fine et sur­tout une rela­tion de confiance réci­proque. Le Chien-​loup ne répond pas à l’autorité, mais à la connexion émotionnelle.

Alors j’ai com­mencé à dou­ter. Pourquoi semblait-​elle stres­sée les jours où moi-​même je cou­rais par­tout ? Pourquoi son calme revenait-​il quand, enfin, je res­pi­rais ? Peu à peu, j’ai com­pris que la rela­tion ne se construit pas seule­ment avec des méthodes ou des mots, mais avec une présence.

Eshe a été une com­pagne fas­ci­nante, exi­geante et pro­fon­dé­ment loyale. révè­lant toute la richesse de la com­mu­ni­ca­tion inter­es­pèces. Elle a été à mes côtés durant plus de 14 ans. Elle nous a quit­tés il y a plus d’une année mais elle res­tera tou­jours pré­sente à mes côtés, dans mon cœur.

Dans cet article, je vous emmène explo­rer ce miroir invi­sible entre votre monde inté­rieur et celui de votre chien. Parce que peut-​être, au fond, nos chiens savent déjà ce que nous avons oublié : écou­ter vraiment.

L’expérience vécue

Je me sou­viens d’une pro­me­nade d’hiver, un de ces jours où l’on croit tout maî­tri­ser. La laisse dans ma main, le vent glacé sur le visage, Eshe à mes côtés. Soudain, elle s’arrête, se fige. Une ten­sion monte en elle. Sa res­pi­ra­tion change. Je lui demande d’avancer, dou­ce­ment, sans com­prendre ce qui se joue. Elle hésite, se tourne vers moi. Dans son regard, je vois ma propre impatience.

Je m’étais levée trop vite ce matin-​là, pré­oc­cu­pée, la tête pleine de pen­sées. Et elle, comme un miroir, reflé­tait cette agi­ta­tion inté­rieure. Son corps disait ce que je n’osais pas admettre : je n’étais pas présente.

Ce jour-​là, j’ai choisi de m’arrêter aussi. De res­pi­rer. De poser la main sur la laisse sans ten­sion, juste avec confiance. En quelques secondes, Eshe s’est déten­due. Elle a reni­flé le sol, s’est remise à mar­cher, comme si rien ne s’était passé. Mais tout venait de changer.

Je croyais devoir l’aider à sur­mon­ter sa peur. En réa­lité, c’est elle qui m’a appris à res­pi­rer autre­ment. Depuis ce jour, j’ai com­pris que l’éducation canine, la vraie, com­mence là : dans la qua­lité de notre état intérieur.

L’éclairage scientifique

Les cher­cheurs en étho­lo­gie et en neu­ros­ciences affec­tives parlent aujourd’hui de co-​régulation émo­tion­nelle entre l’humain et le chien.
Nos chiens ne se contentent pas d’observer nos gestes : ils res­sentent nos émo­tions.
Des études menées à l’Université d’Azabu (Japon) ont mon­tré que lorsqu’un humain et son chien se regardent dans les yeux, leurs niveaux d’ocy­to­cine — l’hormone du lien et de la confiance — aug­mentent simultanément.

Le pro­fes­seur Jaak Panksepp, pion­nier des neu­ros­ciences affec­tives, a mis en lumière la pré­sence chez les mam­mi­fères de cir­cuits émo­tion­nels fon­da­men­taux, iden­tiques à ceux des humains : peur, joie, atta­che­ment, colère… Ce par­tage bio­lo­gique crée une base d’empathie interespèces.

Et selon la théo­rie poly­va­gale du Dr Stephen Porges, nos états émo­tion­nels se trans­mettent à tra­vers des signaux sub­tils : ton de voix, res­pi­ra­tion, pos­ture. Le chien, maître de la lec­ture non ver­bale, capte tout cela en une frac­tion de seconde.

C’est pour­quoi votre chien per­çoit votre stress avant même que vous en pre­niez conscience.
Quand vous res­pi­rez vite, il anti­cipe un dan­ger. Quand vous vous déten­dez, il retrouve la sécu­rité. Ce méca­nisme d’ajustement per­ma­nent façonne la rela­tion au quo­ti­dien : une danse invi­sible entre deux sys­tèmes ner­veux, deux êtres vivants qui apprennent à s’accorder.

Comprendre cela, c’est déjà trans­for­mer la façon dont on “éduque” : on cesse de cher­cher à cor­ri­ger un com­por­te­ment, on com­mence à régu­ler une relation. 

La transformation : le message clé

Depuis cette prise de conscience, j’ai changé ma manière d’être avec mes chiens. Avant, je vou­lais faire bien : appli­quer, gui­der, ensei­gner. Aujourd’hui, je cherche d’abord à être juste : obser­ver, res­pi­rer, accueillir.

Chaque inter­ac­tion est deve­nue un espace de ren­contre. Quand mon chien s’agite, je ne lui demande plus de se cal­mer. Je regarde en moi : qu’est-ce qui s’agite aussi ?
Quand il s’apaise, je res­sens cette paix comme un écho partagé.

Ce simple dépla­ce­ment inté­rieur et cette prise de conscience changent tout.
Parce qu’un chien sen­sible ne demande pas un maître par­fait, mais un humain pré­sent.
Et par­fois, com­prendre votre chien com­mence sim­ple­ment par vous écou­ter vous-même.

Mon invitation à la réflexion

Nos chiens ne parlent pas notre langue, mais ils lisent nos silences.
Ils captent nos humeurs, nos ten­sions, nos absences, et nous ramènent, encore et encore, à l’instant présent.

Écouter son chien, ce n’est pas seule­ment le com­prendre.
C’est apprendre à se ren­con­trer soi-​même, à tra­vers lui. Alors, la pro­chaine fois que votre chien vous regarde en silence, demandez-​vous : que tente-​t-​il de vous dire ?

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Fabienne Bruttin